Dompteur de Trapanelles

Moto solo et fourche à balancier

Ca peut sembler farfelu mais la fourche à balancier, bien connue des side-caristes, a initialement été conçue pour les motos solo.

La fourche Earles

Après guerre, de nombreux artisans de la moto se lancent dans la conception de cadre pour y insérer des moteurs et faire la course le week-end. Ernest Earles était un de ces sorciers, spécialisé dans le Duralumin.

A l’époque, les fourches télescopique n’étaient technologiquement qu’à leurs prémisses et elles n’étaient pas assez rigides. Pour améliorer ses partie-cycles, Ernie Earles travailla donc sur la suspension avant. Il prend l’idée du bras oscillant arrière, mais fixé aux tés de fourche par 2 fourches coudées. Contrairement aux suspensions à roue poussée qui existaient déjà, la roue avant est ainsi prise dans un vrai bras oscillant rigide. Et avec l’axe de suspension derrière la roue, le bras bénéficie en plus d’un grand débattement, tout en restant très rigide.

La fourche Earles a ainsi été montée sur des machines de course à moteur dont quelques MV Agusta.

L’époque vit passer de nombreuses propositions de suspensions avant, mais les progrès fulgurants de la fourche télescopique hydraulique, simple à produire, fiable et efficace dans la majorité des cas d’usage, finirent pas les enterrer, même si certaines propositions ressurgissent de temps en temps.

Mais la fourche à balancier Earles ne tomba pas dans l’oubli car elle a des avantages indéniables. Elle est mécaniquement simple, supporte très bien les contraintes latérales et est naturellement anti-plongée. Et BMW va s’y intéresser.

Depuis la fin de la guerre, BMW relançait doucement sa production de motos civiles et la marque proposait en option d’y adjoindre un sidecar dès la sortie d’usine. Si en 1935, BMW a été le premier fabricant à proposer une fourche télescopique de série sur sa R12, en 1956, BMW propose de série une fourche Earles sur ses séries 2. De la grosse R60 à la petite R27, BMW démocratisa la fourche à balancier.

Idéale pour les side-cars

Et si en moto solo, la fourche à balancier fut vite abandonnée (c’est lourd), dans le monde du side-car, elle fut vite adoptée (c’est rigide) ! Adaptée aux contraintes latérales et aux torsions, sans plongée sur les freinages, elle permet également de régler finement la chasse.

La chasse, c’est la distance projetée au sol entre l’axe du pivot de direction et l’axe de la roue. Une chasse importante augmente la stabilité au détriment de la maniabilité.

Sur un deux-roues, plus la chasse est élevée et meilleur est l’effet directeur, au détriment de la maniabilité lors de l’inclinaison pour le virage (combinaison de l’effet gyroscopique et de l’angle de pivot). Les motos solo ont en général une chasse dépassant les 100 mm. Mais en side-car, il n’est pas nécessaire de s’incliner pour tourner, donc il est important de reduire la chasse. Le compromis idéal est autour de 50 mm, pour avoir un attelage agréable à conduire.

La fourche à balancier permet ce réglage par simple positionnement du bras oscillant dans sa fourche.

Avec ces avantages, l’invention de monsieur Earles devint ainsi l’équipement indispensable ded side-caristes. Même Ural fabriqua sa propre version (avec l’axe de bras juste derrière l’amortisseur)

Mais plus utilisée pour les motos solo

Aujourd’hui, à part les heureux propriétaires de R60/2, plus grand monde de roule en moto solo avec une fourche à balancier. Alors ayant dételé mon SRX pour d’autres travaux, il fallait que j’essaie.

Quand j’ai fait fabriquer la fourche, j’avais demandé de garder une position pour la chasse d’origine, et garder les roues d’origine. Avec 5 ans de recul, c’était une bonne idée.

La chasse en “mode attelé” est à 80 mm. Proche de l’origine qui est à 103 mm. Je suis curieux d’essayer avec ce réglage. Je pars prudemment, anticipant une mauvaise réaction mais non. La moto reste maniable et stable même si elle est un peu plongeante sur l’angle. Rien de dangereux ou d’insupportable. Par contre, avec 50 mm ou moins, ça doit être inconduisible, elle doit tomber à la moindre sollicitation du guidon.

Après une belle balade, je repasse la fourche en “mode solo” (chasse à 100 mm). S’il y a toujours une lourdeur dans la direction à basse vitesse, je retrouve la précision du SRX. Je me surprends à enrouler à bonne vitesse, bien aidé par l’absence de plongée.

Sur les freinages, le feeling est très bon. L’anti-plongée permet d’attraper le levier en sécurité, sans transfert de masse. C’est vraiment agréable, on comprend pourquoi BMW a développé le Telelever (même si aujourd’hui ils l’abandonnent).

Pour conclure, je m’attendais à souffrir mais conduire une moto solo avec une fourche à balancier (réglée) est étonnamment agréable.

Cette belle balade ne va pas être là dernière car après désormais, la SRX va être plus souvent dételée.


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