XS 650

Chroniques d’un Dompteur de Trapanelles

Carburateurs et e85

Si le Superéthanol e85 semble réservé aux véhicules modernes, il n’y a aucune raison qu’une vieille machine à carbu ne puisse tourner avec.

Pourquoi passer une youngtimer à l’e85 ?

Je ne suis pas un anti-technologie. Je reconnais des avantages indéniables aux machines modernes même si je trouve que la technologie efface le caractère des motos. Une autre façon de rouler finalement. Par contre, je suis inquiet de l’avenir de nos vieilles machines. Parce que même si des alternatives vont être développées, le sans-plomb tel que nous le connaissons va disparaitre. Et les machines anciennes vont particulièrement en pâtir.

Le superéthanol est aujourd’hui une première alternative au sans-plomb. Il s’adresse surtout aux voitures essences produites depuis 2000. Ça passe par la pose d’un boitier homologué qui permet de modifier la carburation mais aussi la carte grise du véhicule. Pour les motos injectées, c’est pareil, il suffit de poser un boitier. Branché avec ses capteurs entre le boitier CDI et les injecteurs, il s’adapte même au carburant utilisé, ce qui permet de passer de l’e85 au SP sans souci. Simple et efficace. Sauf que pour les motos, le boitier n’est pas homologué par l’administration.

Théoriquement, ce qui est faisable avec une injection est faisable sur des carbu. Mais ça ne passe pas par l’électronique mais par la mécanique. Car ce que fait tout seul un boitier eflex, il faut le régler manuellement sur une rampe de carbu afin de rattraper le pouvoir moins calorifique de l’e85.

Et quels sont ces réglages ?

Utiliser le pistolet bleu à la station service semble possible pour nos vieilles motos

L’e85 et nos carburateurs

Une recherche rapide permet de trouver des “sorciers” qui ont tenté l’expérience et qui sont satisfaits. Niveau cobayes, ça va de la bonne ZX10 Tomcat, à l’indestructible Transalp 600. Il faut regarder également du coté des youngtimers auto car il y a des 205 (par exemple) qui roulent à l’e85. Et les calculs de ces sorciers, leurs tâtonnements et leurs réussites sont précieux.

Sur la question de la compatibilité des caoutchoucs à l’Ethanol, les constructeurs japonais utilisent depuis le début des années 90, des caoutchoucs résistants à l’alcool. De plus, sur nos vieux tromblons, ça fait bien longtemps que les joints de robinets, de carbu et les durites ont dû être remplacés dans le cadre de leurs entretiens courants. Ça n’empêche pas d’ajouter un petit additif au plein style Bardahl Superethanol en prévention pour éviter la corrosion et les dépots d’eau, voir même la pose d’un superkit Restom pour bien protéger son réservoir.

Avance à l’allumage

Avant d’attaquer la carburation, il faut se pencher sur l’allumage. L’indice d’octane étant plus élevé (soit plus de résistance à la combustion), il est nécessaire d’avancer l’allumage de la moto de +4°. Ca va permettre d’améliorer le rendement mais aussi éviter d’abimer le moteur et les sièges de soupapes.

L’avance sur allumage permet d’améliorer le rendement du moteur. En gros, l’étincelle se produit un peu avant que le piston soit vraiment à son point mort haut. Tout les moteurs en ont une standard. Et pour l’e85, il va falloir ajouter 4°

A partir des années 80 et l’allumage électronique, l’avance est très souvent déterminée par un rotor emmené en bout de vilebrequin.

2 cas de figures :

  • Allumage à rupteur : régler l’avance manuellement à +4° par rapport au réglage initial
  • Allumage électronique (la majorité des cas), 2 solutions :
    • sur certains modèles, on trouve des rotors d’allumage +4° en remplacement du rotor d’origine. Initialement conçus pour gagner en couple, ils feront très bien l’affaire pour l’e85
    • Installer un boitier Ignitech sur la moto.

Un fois qu’on a trouvé le moyen de régler l’avance de l’allumage de la moto, on peut attaquer le réglage de la carburation.

Carburation

Pour la richesse du mélange, il faut faire un peu de mathématique. Je n’ai rien inventé de ce qui suit, c’est Paketos du forum Planète 205 qui en est l’auteur, mais c’est tellement bien expliqué :

Le carburant E85 n’a pas le même rapport stœchiométrique que l’essence :

  • Pour l’essence (formule chimique C8H18), le rapport est d’environ 14,7, donc il faut 14,7g d’air pour bruler 1g d’essence.
  • Pour le e85 (formule chimique 85% C2H6O + 15% C8H18) le rapport est de 9,85 environ, il faut donc 9,85g d’air pour bruler 1g de e85.

Et pour trouver précisément la taille des nouveaux gicleurs, Paketos a calculé un rapport de 1,46 entre les formules chimique de combustion de l’essence et de l’éthanol. Il faut donc augmenter la section de 1,46 (et non le diamètre).

Ça va demander quelques déposes et ouvertures de rampe de carbu pour affiner les réglages

Il faut donc réfléchir en section de gicleur (la surface du trou) plutôt qu’en diamètre. Donc il faut sortir la calculatrice.

Par exemple avec un gicleur de diamètre 120.
  • Section du gicleur de 120 (1,2mm):
    • S1 = Pi x rayon²
    • S1 = 3,14 x (0.6)² = 1,1309 mm²
  • Section du nouveau gicleur: S2
    • S2 = S1 x 1,46
    • S2 = 1,6512 mm²

On retourne la formule de la section pour trouver le rayon du nouveau gicleur.

  • r = Racine(S2/Pi) = Racine(1,6512/3.14)
  • r = 0,7249
  • Diamètre du nouveau gicleur D = 2 x r = 2 x 0,7249 = 1.449

Il faut donc monter un gicleur de 145 a la place du gicleur de 120.

Le calcul est très précis mais si les maths vous rebutent, ça revient presque à augmenter les diamètres de 20% (120 x 1,2 = 144)

Et si ça ne tombe pas pile sur une taille de gicleur existant, il faut mieux choisir un gicleur un poil plus grand.

Si on ne se contente que de remplacer le gicleur principal, on n’enrichira qu’à haut régime.

S’il n’y a pas de vis d’air de ralenti, il faudra également augmenter la taille des gicleurs de ralenti (par exemple, les passer de 35 à 42). Pour la vis de richesse, on se contentera d’ajouter un demi tour au réglage initial (souvent autour de 2 tours).

Et pour parfaire le tout, il est possible de réhausser l’aiguille en posant une petite rondelle en dessous selon la situation.

Bougies

Certains conseillent de remplacer les bougies d’origine par des bougies plus chaudes. Pour synthétiser, une bougie froide évacue très rapidement la chaleur alors qu’une bougie chaude va créer un point chaud autour du puit de bougie :

  • Une bougie froide est employé pour éviter de créer des points chauds sur les moteurs préparés
  • La bougie chaude atteint une température plus élevée et brûle mieux les dépôts de combustion. Dans le cas de l’e85, c’est ce qu’il faut privilégier.
Plus la bougie est chaude, plus l’indice est faible

Donc avec un nouveau réglage aux carburateurs, une nouvelle avance sur allumage et des bougies plus adaptée, une vieille moto doit tourner au e85.

Pour résumer

Pour passer une moto à carbu au Superéthanol il est donc nécessaire d’effectuer quelques réglages :

  • Allumage : avancer l’allumage de +4° par rapport au réglage standard
  • Carburation : enrichir de 20% environ la richesse du mélange (gicleurs, vis de richesse, hauteur d’aiguilles)
  • Bougies : choisir des bougies avec un numéro d’indice thermique plus faible (= bougie plus chaude)

Maintenant que je suis calé sur la théorie, il me reste la pratique. Et pour cela, il me faut un cobaye. Une youngtimer des années 90 ou une classique des années 70 ? Pour assurer le coup, pour cette première, ce sera mon bon vieux ZRX 1100.


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